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Investisseurs et Startups : même combat

Article de Guillaume Bort, président de FioulReduc.com*  

Entrepreneur-Investisseur

A en croire la littérature abondante sur le sujet, les relations entrepreneurs/investisseurs - parfois plus fantasmées que réellement vécues - seraient synonymes tout autant de grandes déconvenues que de formidables aventures humaines ! Souvent sincères mais trop rarement dans la retenue, de ces récits individuels naissent des positions dogmatiques reflétant relativement mal la réalité des relations qui lient une startup à ses actionnaires. Une chose est certaine, dans l’intérêt de l’association, et parce qu’il faut sans cesse nourrir l’ambition initiale, elles doivent être empreintes d’exigence.  

Point de salut sans vision stratégique

Je n’ai que très rarement rencontré des entrepreneurs manquant de vision. J’ai plutôt rencontré des entrepreneurs en manque de temps pour la penser, la formaliser et la décliner en un plan d’actions opérable par leurs équipes. Combien de fois je me suis ainsi retrouvé en fin de journée à regarder, un peu sonné, ma to do list encombrée d’une vingtaine de micro-tâches accumulées tout au long de la journée, alors que j’avais planifié la veille au soir de me concentrer sur 3 tâches majeures ? Au moins une centaine de fois, si ce n’est plus. Et pourtant, quoi de plus nécessaire pour parfaitement exécuter, qu’une vision pensée et formalisée. L’énergie, certes indispensable, ne peut suffire pour porter une équipe au succès. Chaque action doit être expliquée, mise en perspective et faire sens. Sinon, tels des galériens, les individus donnent sans gnac, sans cette étincelle qui, seule, fait la différence ! La vision n’est pas figée. Elle se transforme sans cesse au gré de l’évolution de l’environnement de marché (rupture technologique, évolution réglementaire, chute brutale ou forte accélération du CA, arrivée de prédateurs, émergence de nouveaux besoins, arrivée ou disparition d’un concurrent, etc.) et doit donc être régulièrement réinterrogée. Pour autant l’entrepreneur - trop souvent happé par l’opérationnel - oublie de lever le crayon et de prendre de la hauteur. Le business angel, de par sa connaissance fine du pouls de l’entreprise, alimente et cadence habilement cette nécessaire réflexion afin de s’assurer que la direction prise est non seulement toujours la bonne, mais surtout la meilleure.  

L’investisseur, partenaire de vestiaire

Je ferai ici nettement plus court tant cela va de soi. Accompagner une start-up, ce n’est pas regarder passivement depuis les tribunes entouré de ses amis. L’entrepreneur attend de l’investisseur qu’il partage ses convictions sur une décision stratégique qui engage de lourds investissements, affine une campagne Adwords, mette un véto sur un recrutement, accélère un déploiement à l’international, ouvre son carnet d’adresses lorsqu’un sujet sort de son domaine de compétences, challenge un GRP, appuie là où ça fait mal … bref qu’il donne de sa personne, qu’il mouille le maillot aux côtés de l’entrepreneur ! Ce dernier a par ailleurs sa part de responsabilité dans le niveau d’implication de ses actionnaires. Chacun à sa manière est utile et c’est aussi à lui d’aller déceler en chacun d’eux les compétences individuelles à mettre au service de l’ambition. On ne peut sortir vainqueur des batailles quotidiennes auxquelles les start-ups sont confrontées qu’à travers la construction d’un collectif où chacun trouve sa place.  

La levée de fonds, parce que c’est (parfois) nécessaire

Le tropisme de la levée de fonds, propre à bien des égards aux start-ups du numérique, aurait tôt fait d’occulter les autres apports tout aussi stratégiques d’un actionnaire. La levée de fonds doit être abordée avec distance afin de s’assurer que, compte tenu de son modèle d’affaires, elle est une impérieuse nécessité. Dans le cas de FioulReduc, elle l’est. Compte tenu des caractéristiques de notre marché (près de 15 millions de transactions en France par an avec un faible niveau de marge), devenir rentable passe par l’atteinte d’une taille critique. Une fois seulement un portefeuille large constitué, les économies d’échelle se mettent en place, mais pas avant. Sachant qu’il est extrêmement compliqué pour une jeune structure de lever de la dette pour financer son BFR et compte tenu des investissements lourds à consentir, il est nécessaire pour atteindre une taille critique de se tourner vers le capital-risque. Reste alors pour les entrepreneurs devant lever de l’argent, si tant est qu’ils aient le choix, à s’engager avec le bon partenaire. Un actionnaire qui saura trouver la juste distance permettant d’aligner les intérêts de l’entrepreneur (ex. besoin de s’appartenir) sur ceux inhérents à son statut d’investisseur (ex. pousser l’entrepreneur au home run). Et ce n’est pas chose aisée tant les enjeux sont grands de part et d’autre. Le choix de notre actionnaire s’est pour notre part porté sur Network Finances. Ce fonds d’amorçage se différencie très nettement des autres structures par le fait qu’il est constitué exclusivement d’entrepreneurs d’expérience, encore en activité, comprenant et partageant notre quotidien. Nous avons ainsi disposé d’un réel espace de liberté pour faire grossir notre boîte tout en profitant des conseils et des garde-fous nécessaires pour l’amener le plus loin possible. Sera-t-il nécessaire par la suite de faire appel à un VC de tout premier plan pour franchir un nouveau palier ? C’est fort probable compte tenu des caractéristiques de notre marché (i.e. secteur à fortes économies d’échelle). En attendant, pour de l’amorçage on ne pouvait prendre meilleure décision. A lire ces quelques lignes et vus les nombreux ingrédients qui semblent nécessaires, on pourrait penser que l’alchimie entrepreneur/investisseurs relève quelque peu de l’utopie. Qu’inéluctablement, compte tenu des enjeux et des objectifs de chacun, les relations sont amenées à s’étioler. Il n’en est rien, car au-dessus de tout se place un objectif commun, cimentant les relations, la création de valeur. Rien de mystique là-dedans mais une réalité simple; sans elle, point de succès entrepreneurial et point de sortie pour les investisseurs. Humilité, exigence et pragmatisme sont ainsi à mes yeux les qualités indispensables d’un investisseur dont la valeur ne peut seulement se réduire à la profondeur de ses poches. Il ne doit ni être glorifié, ni être craint. Mais appréhendé comme ce qu’il est, un maillon indispensable créant de la valeur aux côtés de l’entrepreneur et contribuant ainsi à la relance de notre économie !   *A propos de Guillaume Bort : Avant de créer FioulReduc, Guillaume a travaillé pendant 10 ans dans le conseil en stratégie. Il a ainsi accompagné les plus grandes entreprises européennes du secteur énergétique en profonde mutation, dans la définition de nouveaux modèles d’affaires innovants. Imprégné de ces innovations et des nouvelles tendances de consommation sur Internet, en 2011 Guillaume Bort co-fonde avec Hervé Degrève, Fioul Reduc, le premier site permettant aux français de commander leur fioul moins cher.

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